LA TAPISSERIE AU XVe SIÈCLE                        125
les plus riches et les plus précieuses, sont toujours anonymes. Une signature est un fait exceptionnel. Les tapissiers se con­forment à l'usage; si on rencontre parfois des tentures datées, nous n'en avons jamais vu de signées avant le xvie siècle.
Il nous faut dire quelques mots d'un usage assez commun qui a causé plus d'une méprise. Les lettres de l'alphabet ont été em­ployées souvent comme simple motif de décoration, sans qu'on attachât à ces sortes d'inscriptions aucun sens. Ainsi les galons des vêtements, au lieu d'être ornés d'une frise ou d'un feston régulier, sont parfois couverts des lettres très faciles à déchiffrer, mais dont la réunion ne signifie rien. Plus d'un érudit s'est en vain efforcé de fournir une explication plausible de ces caractères mis sans ordre à la suite les uns des autres. Il ne faut y voir qu'une fantaisie de l'artiste, qui s'est peut-être complu à mettre dans l'embarras les futurs déchiffreurs d'énigmes. Ces lettres ne doivent donc pas être prises pour une signature ou un mono­gramme.
En terminant ces observations générales sur les tapisseries du moyen âge, il convient de faire remarquer l'excellence des matières et des teintures dont sé servaient les artisans des premiers siècles. Quand leurs œuvres n'ont pas été exposées à de trop rudes ' épreuves, elles conservent une fraîcheur, dn pourrait dire une jeunesse extraordinaire. Les bleus et les rouges, qui jouent le prin­cipal rôle dans la coloration des tapisseries, sont souvent d'une intensité qui rappelle la vivacité de ton des anciens vitraux. En même temps, certaines tentures sont tissées d'un fil si solide, si régulier, qu'elles ont traversé les siècles sans presque souffrir des atteintes du temps. Quant à déterminer les diverses cmatières tex­tiles mises en usage dans les différents centres de production, il n'y faut pas songer avant que des analyses sérieuses aient donné des résultats positifs. On sait que tous les ateliers, indistincte­ment, employaient plus ou. moins la soie, les fils d'or et d'argent mélangés avec la laine, qui constitue l'élément essentiel et fonda­mental de toute tapisserie.
Il existe à Aubusson une vieille tradition, d'après laquelle les métiers du pays auraient fait usage de la laine pour la chaîne aussi bien que pour la trame, tandis que les artisans flamands faisaient leur chaîne de lin ou de chanvre, réservant la laine pour la trame. Mais cette tradition ne se présente pas avec des garanties